Le choc traumatique de la fille des régions qui débarque en ville, on connaît. Mais que se passe-t-il quand une jeune citadine un peu inconsciente décide de migrer à la frontière blainvillo-mirabelloise? Facile, elle chevauche son skidoo comme une vraie cowgirl locale et part enfiler une ou deux pintes à la BM. Avertissement: cet article peut causer des envies intempestives de road trip dans un champ de maïs.
Quand on pense Mirabel, on pense tout de suite aéroport désaffecté. Pour ceux qui auraient passé les dernières années dans une grotte afghane, rappelons que le gouvernement fédéral inaugurait en 1975 ce qui devait devenir la plaque tournante du transport aérien au pays. L’histoire nous prouve qu’ils en avaient fumé du bon. Moins de trente ans après ce flagrant épisode de délire collectif, qui avait provoqué l’expropriation de 2700 familles mirabelloises, ces visionnaires de grand talent rapatriaient tous les vols passagers à Dorval, abandonnant le monstre de verre au beau milieu de son champ. Un vrai coup sale. Aujourd’hui, l’aéroport de Mirabel essaie de sauver les dernières miettes de sa dignité bafouée, notamment en maquillant son tarmac en piste de karting. Mouais…
Carrément périlleuse pour le non-initié sans GPS, la jungle mirabelloise se divise en douze secteurs aux attraits ma foi assez pittoresques – Saint-Benoît et ses champs de maïs, Sainte-Monique et ses champs de fraises, Sainte-Scholastique et ses champs de chou-fleur… Au total, on parle de 477 km carré, soit un territoire plus grand que celui de Laval ou de Montréal. D’accord, population contre population, on se fait planter solide au comptage, mais si on inclut aussi les chevaux, les moutons, les vaches et autres bestioles qui gambadent sur nos terres, on pourrait certainement talonner les plus grandes villes du Québec.
Nos marketeux locaux rivalisent d’ingéniosité pour attirer de nouveaux citoyens dans nos rangs, affublant la ville de slogan tel que “À Mirabel, la vie est belle”. Même nous, on a des crampes de rire, alors je n’ose pas imaginer votre désarroi. Question de ne pas me faire trucider par les élus municipaux lors de ma prochaine épicerie, je tiens tout de même à préciser que Mirabel accueille entre 800 et 1000 nouveaux résidents par année. Plus encore, les prévisions indiquent une augmentation de la population de 61% d’ici 2031, soit la plus forte hausse anticipée de la province. Comme quoi on a beaucoup de potentiel, en dehors des accroches publicitaires…
Selon les derniers recensements officiels, réalisés par moi-même lundi dernier, Mirabel compte un nombre affolant de casse-croûtes per capita. Ne craignez rien, on ne vous assommera pas avec un autre débat sur la meilleure poutine du coin. Le sujet a été ressassé et rebattu tant de fois par des restaurateurs à l’imagination stérile… Laissez-nous plutôt engorger vos artères avec le pizza-ghetti du très épique BBQ Mirabel. Rien de mieux que cette pizza graisseuse farcie aux spaghettis bolognaise ultra-salés pour vous déshydrater les yeux pendant des semaines. Satisfaction garantie ou pontage gratuit!
Au premier regard, le secteur de Saint-Janvier peut vous donner une vague impression de cour à scrap. Ne vous méprenez pas. Si notre légendaire boulevard Curé-Labelle regorge effectivement de dealers automobiles, antiquaires et autres revendeurs de cochonneries bicentenaires, ce n’est que par pure conscience écologique. À Mirabel, on use tout jusqu’à la corde. Tenez, même notre maire Hubert Meilleur est en poste depuis 1987. Quand on dit que même nos politiciens sont certifiés recyclables…
Mirabel s’enorgueillit d’un réseau tentaculaire de sentiers de motoneige. Et comme on exploite chacun de nos acquis à fond la caisse (voir point précédent), toutes les occasions sont bonnes pour arpenter le territoire sur notre fidèle engin. On se rend au dépanneur en skidoo. On sort au restaurant en skidoo. On va prendre une bière en skidoo. Pour ce qui est des légendes urbaines qui racontent que certains résidents se rendraient toujours au bar sur leur fidèle destrier, disons seulement que les principaux intéressés ne parleront qu’en présence de leur avocat…
On ne le remarque pas tout de suite, mais je vous confirme sous le sceau de la confidentialité que la population locale entretient une fixation plutôt troublante sur ses arbres. Pour commencer, on les taillade. Notre quarantaine de cabanes à sucre attirent chaque printemps des autobus bondés de touristes hystériques dopés au sucre. Ensuite, on installe des systèmes de poulies dans leurs cimes pour en faire des parcours d’hébertisme. Encore plus particulier, on les gosse à même leur environnement pour en faire de l’art post-moderne. Sans blague. C’est ainsi que nos citoyens peuvent admirer des œuvres franchement surprenantes en se baladant dans les sentiers du parc Bois de Belle-Rivière, un concept unique au pays, voire au monde.
Je vous entends rire de ma lointaine campagne. Il faut vraiment souffrir de démence chronique pour imaginer un semblant nightlife entre deux silos de stockage. Je ne vous bullshiterai pas. C’est bien par défaut que la jeune faune locale se rassemble à la Brasserie Mirabel, aka la BM, située dans le creux St-Augustin, aka St-Au. Que voulez-vous, les clubs ne courent pas les rangs. On est une terre agricole ou on ne l’est pas. Note aux arrivantes: si votre homme vous lance sur son ton le plus innocent qu’il s’en va au garage, ne vous laissez pas berner par sa formulation fallacieuse. Chez nous, le Garage, c’est un bar de danseuses.
Imaginez la scène suivante. À trois pas de l’hôtel de ville, vous surprenez une troupe de cavaliers accoutrés de redingotes britanniques qui galopent derrière une meute de chiens, qui eux pourchassent un renard. Sur le coup, il y a lieu de se poser des questions sur notre santé mentale. Rassurez-vous. Mirabel compte l’un des seuls clubs de chasse à la courre du Québec, un sport oublié par le reste de la province, mais qui recrutait des adeptes mirabellois encore l’an dernier. Dans la catégorie des hobbys qui nous distinguent du lot, mention spéciale aux terrains de golf qui sillonnent notre région par dizaine et aux rodéos qui nous transposent en plein western de John Wayne.
Il est de notoriété publique que les villageois potinent plus vite que leur ombre. Mirabel fracasse tous les records. Attestant de notre soif de rumeurs croustillantes, on nous bombarde chaque semaine de journaux, hebdos et autres bulletins qui regorgent de nouvelles locales. Même la faune semble contaminée par notre étrange obsession. Il n’est pas rare de devoir nous battre avec une marmotte pour mettre la main sur notre journal. Je sais de quoi je parle.
Je sais, un top 11, c’est bizarre. Mais au fond, c’est un peu comme Mirabel: hors norme. On a des champs, mais on accueille aussi des entreprises internationales à la fine pointe de la technologie. On a des Sushi Shop, mais on a aussi des barbiers, cordonniers et autres commerces en voie d’extinction. Même nos rues résidentielles, malgré leur demi-kilomètre de distance, se targuent d’adresses à cinq chiffres. En clair, les Mirabellois se donnent toujours les moyens de leurs ambitions. Et ce n’est certainement pas un ou deux scandales aériens qui vont changer les choses.
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