Depuis quelques années, une pénurie d’interprètes en langue des signes québécoise (LSQ) frappe de plein fouet la communauté sourde, qui peine à obtenir les services d’interprétation auxquels elle a droit.
À l’heure actuelle, au Québec, il n’existe qu’un seul programme universitaire pour la formation de ces interprètes : la majeure en interprétation français-LSQ à l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Mais cela va bientôt changer : dès l’automne 2025, l’université accueillera la première cohorte de son nouveau certificat en LSQ. Un nouveau programme qui permettra de pallier la pénurie, espèrent ceux et celles qui l’ont créé.
L’interprète français-LSQ Marie-Pier Poulin ressent cette pénurie au quotidien. « On le voit dans les demandes des personnes sourdes pour les services [d’interprétation]. Parfois, elles n’en ont pas, parce que tout le monde est booké. »
Ces services sont pourtant essentiels dans de nombreux contextes, comme des rendez-vous médicaux et des comparutions en cour.
Les conséquences de la pénurie sont graves pour la communauté sourde, selon la chargée de cours Caroline Hould, elle-même sourde. « S’il n’y a pas d’interprète, comment la personne sourde va-t-elle obtenir toutes les informations nécessaires pour prendre une décision rapide et la communiquer? »
Le certificat s’adresse à tout le monde, précise Caroline Hould, qui a participé à son élaboration. Aucune base en LSQ n’est requise pour s’y inscrire. L’objectif : apprendre et solidifier la langue. Les diplômés pourront devenir interprètes s’ils le souhaitent, souligne-t-elle.
« Dans le certificat, tous les chargés de cours sont sourds, ajoute la chargée de cours. Il n’y a aucun interprète présent, justement pour stimuler et encourager [les étudiants] à utiliser la langue. »
Selon Marie-Pier Poulin, ce certificat pourrait éveiller la curiosité de nombreuses personnes envers la langue. « Les gens qui vont chercher sur le site de l’UQAM […] vont tomber dessus et peut-être se dire : Ah, OK, je peux aller le faire à l’université! » Selon elle, cela pourrait attirer un plus large public.
C’est par simple curiosité que Marie-Pier Poulin s’est inscrite à un cours de LSQ de niveau 1, il y a quelques années : elle ne connaissait pas la langue et n’avait jamais côtoyé de personnes sourdes. Elle n’avait alors pas l’intention de devenir interprète.
« À partir de ce moment-là, je suis tombée en amour avec cette langue-là, puis aussi avec la communauté », dit celle qui est aujourd’hui très impliquée dans le milieu.
Animée par une véritable passion pour la LSQ, elle poursuit maintenant ses études à la maîtrise en linguistique à l’UQAM. Emballée par l’arrivée du nouveau certificat, elle affirme qu’elle s’y serait inscrite sans hésiter s’il avait existé à l’époque.
La communauté sourde, explique Caroline Hould, possède sa propre culture et ses propres codes. « C’est vraiment une communauté riche. […] Quand tu entres dans ce monde-là, c’est un peu comme tomber dans Alice au pays des merveilles. »